Le report d’imposition selon l’article 150-0 B ter du CGI constitue un mécanisme fiscal attractif pour les chefs d’entreprise qui souhaitent restructurer leur patrimoine professionnel. Mais comment fonctionne précisément ce dispositif, quelles en sont les conditions et quelles problématiques peut-il résoudre ? Le report d’imposition prévu par l’article 150-0 B ter du Code Général des Impôts est un dispositif fiscal avantageux pour les dirigeants qui veulent réorganiser leur patrimoine professionnel. Concrètement, il permet au chef d’entreprise de vendre ses titres (actions ou parts sociales) tout en retardant l’impôt sur la plus-value réalisée. L’imposition est ainsi repoussée jusqu’à la vente ultérieure des nouveaux titres reçus en échange.
Table des matières
Quelles sont les conditions pour bénéficier du report d’imposition ?
Pour profiter du report d’imposition (selon l’article 150-0 B ter du CGI), il faut remplir plusieurs conditions précises :
Qui peut en bénéficier ? L’apporteur (celui qui apporte ses titres ou parts sociales) doit être soumis à l’impôt sur le revenu (IR). Il peut s’agir d’une personne physique ou d’une société civile imposée à l’IR, comme une SCI familiale par exemple.
Quelle société peut recevoir les titres ? La société qui reçoit les titres doit obligatoirement être soumise à l’impôt sur les sociétés (IS). De plus, cette société doit être contrôlée par l’apporteur, c’est-à-dire que celui-ci doit posséder (directement ou indirectement) plus de 50 % des droits de vote ou des bénéfices de la société, seul ou avec sa famille (conjoint, parents, enfants…) ou encore grâce à un pacte (accord écrit) signé avec d’autres associés.
Qu’est-ce qu’une soulte ? Une « soulte » est une somme d’argent versée en complément des titres reçus lors de l’apport. Pour bénéficier du report, cette soulte doit rester inférieure à 10 % de la valeur totale des titres reçus.
Exemple : Si vous apportez des titres d’une valeur totale de 100 000 € à une société, vous pouvez recevoir une soulte (argent liquide) de maximum 10 000 €. Si la soulte dépasse cette limite, alors vous devrez immédiatement payer l’impôt sur l’ensemble de la plus-value réalisée, sans pouvoir profiter du report.
?? En résumé, pour bénéficier du report d’imposition, il faut être imposé à l’IR, apporter ses titres à une société soumise à l’IS que l’on contrôle, et ne pas recevoir plus de 10 % de soulte, afin de différer efficacement l’impôt sur les gains.
Quelles situations entraînent la fin du report d’imposition ?
Le report d’imposition vous permet de différer l’impôt sur la plus-value réalisée lors d’un apport de titres à une holding. Toutefois, certaines situations spécifiques entraînent immédiatement la fin de ce dispositif, impliquant alors le paiement immédiat de l’impôt reporté.
Que se passe-t-il si je vends les titres de la holding reçus en échange de mon apport initial ? Si vous réalisez une vente (cession à titre onéreux) de vos actions ou parts sociales dans la société holding, le report prend fin immédiatement. Vous devrez alors payer l’impôt sur la plus-value initialement reportée.
Exemple : Vous avez apporté vos titres à une holding en 2025 et décidez de vendre ces nouveaux titres en 2027. La plus-value initialement reportée devient immédiatement imposable en 2027.
Que se passe-t-il si la holding revend tout ou partie des titres apportés dans les 3 années suivant l’apport ? En principe, la vente des titres apportés par la holding dans les 3 ans suivant votre apport entraîne la fin immédiate du report d’imposition. Mais il existe une exception : le report d’imposition est maintenu à condition que la holding réinvestisse au moins 60 % des liquidités issues de la vente dans une activité économique opérationnelle ou en capital-risque, et ce, dans les deux ans suivant la cession des titres.
Exemple : Si vous apportez vos titres d’une PME à votre holding en 2025, et que cette dernière vend ces titres dès 2027 pour 100 000 €, elle doit réinvestir au minimum 60 000 € dans une activité économique opérationnelle ou en capital-risque avant la fin de l’année 2029. Si elle ne le fait pas, l’impôt devient immédiatement exigible.
Puis-je transmettre gratuitement les titres reçus sans perdre le bénéfice du report d’imposition ? Vous pouvez transmettre gratuitement vos titres sans perdre immédiatement votre report d’imposition, mais vous devez respecter deux conditions essentielles :
- Conservation des titres :
La personne à qui vous donnez les titres (le donataire) doit obligatoirement les conserver pendant au moins 5 ans à compter de la date de la donation. - Domicile fiscal en France :
Le donataire doit impérativement rester domicilié fiscalement en France durant ces 5 années suivant la donation.
?? Si l’une de ces deux conditions n’est pas respectée (par exemple, si le donataire vend les titres ou quitte fiscalement la France avant la fin des 5 ans), le report d’imposition prendra immédiatement fin. Vous devrez alors payer l’impôt initialement reporté.
Une réduction de capital dans la holding met-elle fin au report d’imposition ? Oui, si la réduction du capital entraîne un remboursement en argent ou l’annulation de vos titres reçus en échange de l’apport, le report d’imposition prend immédiatement fin. Vous devrez alors payer immédiatement l’impôt sur la plus-value.
Que se passe-t-il si je transfère mon domicile fiscal hors de France ? Votre départ fiscal hors de France entraîne automatiquement la fin du report d’imposition. L’impôt reporté devient immédiatement exigible, sauf exceptions spécifiques prévues par la loi (par exemple, la possibilité d’obtenir un sursis sous certaines conditions précises).
Conseil pratique : Si vous envisagez un départ à l’étranger, il est essentiel de vérifier au préalable les éventuelles exceptions prévues par la réglementation fiscale.
Comment puis-je maintenir le bénéfice du report d’imposition ?
Pour éviter une fin prématurée du report d’imposition et ainsi différer au maximum le paiement de l’impôt, vous devez respecter certaines règles :
- Maintien des titres par la holding : La holding qui reçoit vos titres doit impérativement les conserver pendant au moins 3 ans après votre apport.
?? Si la holding vend ces titres avant la fin des 3 ans : Elle devra alors réinvestir au moins 60 % de l’argent obtenu par cette vente dans une activité économique opérationnelle (une entreprise active) ou dans des entreprises innovantes (capital-risque), dans un délai maximum de 2 ans suivant cette vente.
Exemple :Vous apportez vos titres à votre holding en 2025. Si celle-ci décide de les vendre dès 2026, elle doit réinvestir au moins 60 % du prix obtenu dans une entreprise opérationnelle avant fin 2028, sinon l’impôt devient immédiatement exigible.
- Donation des titres reçus :
- Si vous choisissez de transmettre gratuitement (par donation) les titres que vous avez reçus, le report est maintenu sous deux conditions précises :
- Le bénéficiaire de la donation (donataire) doit conserver ces titres pendant une durée minimale de 5 ans après la date de donation.
- Le donataire doit également rester domicilié fiscalement en France pendant toute cette période de 5 ans.
Dans quels cas puis-je obtenir une exonération définitive (ne jamais payer l’impôt sur cette plus-value) ?
Il est possible, dans certains cas spécifiques, d’obtenir une exonération définitive du report d’imposition. Cela signifie que vous ne paierez jamais l’impôt sur la plus-value initialement reportée, à condition de respecter strictement ces règles précises :
En cas de transmission gratuite (donation) des titres :
- Vous pouvez transmettre gratuitement les titres reçus en échange de votre apport, par exemple à vos enfants, tout en bénéficiant d’une exonération définitive.
- Pour que cette exonération soit valable définitivement, la personne qui reçoit les titres (le donataire) doit respecter deux conditions essentielles :
- Conserver les titres reçus pendant au moins 5 ans à partir de la date de la donation.
- Rester domicilié fiscalement en France durant ces mêmes 5 années, sans interruption.
?? Si ces conditions ne sont pas respectées, l’exonération disparaît, et l’impôt devient immédiatement exigible.
Exemple concret : Vous donnez vos titres à votre enfant en 2025. Celui-ci doit conserver ces titres jusqu’en 2030 minimum, sans les revendre, et il doit garder son domicile fiscal en France pendant toute cette période pour que l’exonération devienne définitive.
Quelle assiette sert au calcul de la plus-value imposable ?
L’assiette (c’est-à-dire le montant exact de la plus-value soumise à l’impôt) est déterminée définitivement dès le moment où vous effectuez l’apport de vos titres à la holding. Autrement dit, la valeur de référence de votre plus-value est figée au jour de l’apport, et ce montant ne changera pas, peu importe la date ultérieure à laquelle le report prend fin.
Exemple concret : Si vous réalisez une plus-value de 100 000 € au moment d’apporter vos titres à une holding en 2025, cette plus-value reste de 100 000 € même si le report prend fin plusieurs années après (par exemple, en 2030).
Quel taux d’imposition sera appliqué sur cette plus-value au moment où le report prend fin ?
Le taux d’imposition applicable est celui en vigueur à la date à laquelle le report prend fin. Deux choix vous sont proposés :
- Option 1 : Le prélèvement forfaitaire unique (PFU), aussi appelé « flat tax », à un taux global de 30 % (comprenant 12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux).
- Option 2 : L’impôt sur le revenu (IR) calculé selon votre barème progressif habituel (0 %, 11 %, 30 %, 41 %, 45 % selon votre tranche marginale d’imposition).
À noter : Si les titres cédés ont été acquis avant le 1er janvier 2018, vous pouvez bénéficier d’abattements spécifiques en fonction de leur durée de détention, réduisant ainsi votre base imposable :- 50 % d’abattement pour une détention comprise entre 2 et 8 ans ;
- 65 % d’abattement si vous avez détenu les titres plus de 8 ans.
Exemple concret avec l’IR : Si votre plus-value figée est de 100 000 €, que vos titres ont été acquis avant 2018 et détenus pendant plus de 8 ans, vous bénéficiez d’un abattement de 65 %. Vous ne serez donc imposé que sur 35 000 € (100 000 € – 65 % d’abattement). Le montant restant sera soumis à votre barème d’impôt sur le revenu.
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Quels risques liés à l’utilisation d’une soulte faut-il anticiper ?
Même lorsque vous respectez le seuil légal maximum de 10 % prévu pour une soulte (c’est-à-dire la somme en argent que vous pouvez recevoir en complément des titres lors de votre apport), vous devez rester vigilant sur la façon dont cette soulte est perçue par l’administration fiscale.
En effet, le principal risque est celui d’un abus de droit fiscal, c’est-à-dire que l’administration fiscale pourrait considérer que votre opération est artificielle, réalisée principalement dans le but d’éluder ou de réduire abusivement l’impôt. L’administration fiscale peut remettre en cause l’opération si la soulte ne semble pas justifiée par une véritable motivation économique ou professionnelle. Autrement dit, si la soulte apparaît uniquement comme un moyen détourné de récupérer des liquidités sans payer l’impôt immédiatement, le fisc peut considérer cette pratique comme abusive.
Comment réduire ou éviter ce risque ?
- Votre opération doit être solidement justifiée par une réalité économique claire et documentée. Par exemple, la soulte pourrait correspondre à une différence précise et explicable entre la valeur exacte des titres apportés et ceux reçus en échange.
- Il est recommandé de constituer un dossier complet, précisant clairement les raisons économiques et financières de cette soulte (nécessité d’équilibrer une opération de restructuration, règlement d’une différence réelle de valeur, besoin justifié de trésorerie pour un réinvestissement ultérieur, etc.).
Exemple concret à éviter : Si la soulte apparaît comme une simple façon de retirer rapidement de l’argent de la holding, sans lien direct avec une opération professionnelle ou économique cohérente, l’administration fiscale pourrait y voir une pratique abusive et procéder à un redressement fiscal, avec des pénalités importantes.
Quelles sont les obligations déclaratives à respecter ?
Le dispositif du report d’imposition implique plusieurs obligations déclaratives strictes et régulières auprès de l’administration fiscale. Ces obligations permettent de garantir que les conditions du report sont bien respectées dans le temps et d’éviter toute remise en cause de l’avantage fiscal.
Déclaration de l’opération d’apport des titres
Lors de l’année de l’apport des titres à la holding, le contribuable doit déclarer cette opération dans sa déclaration annuelle de revenus. Cette déclaration doit contenir :
- Le montant de la plus-value réalisée lors de l’apport (même si elle est placée en report) ;
- Les informations sur la société bénéficiaire de l’apport (dénomination, forme juridique, montant du capital, contrôle effectif de la holding) ;
- Les éventuelles soultes reçues, si applicable, en précisant leur montant et leur proportion par rapport aux titres reçus en échange.
Suivi annuel du report d’imposition
Tant que le report d’imposition est en cours, il est impératif de le mentionner chaque année dans sa déclaration de revenus. Cette obligation vise à informer l’administration fiscale que la situation fiscale du contribuable reste inchangée et que les conditions du report continuent d’être respectées.
- Omission ou oubli de déclaration : Tout manquement à cette obligation pourrait entraîner une remise en cause du report et donc une imposition immédiate de la plus-value reportée.
Déclaration en cas d’événement mettant fin au report
Si une situation survient entraînant la fin du report d’imposition (vente des titres, non-respect des conditions, réduction de capital, départ fiscal hors de France, etc.), le contribuable doit déclarer immédiatement la plus-value reportée dans sa déclaration de revenus de l’année en cours.
- L’impôt correspondant devient alors exigible et doit être payé dans les délais impartis.
Importance d’une gestion rigoureuse du dispositif
Étant donné la complexité de ce mécanisme fiscal, il est essentiel d’adopter une stratégie patrimoniale bien organisée. Une gestion rigoureuse et un suivi des obligations déclaratives permettent de :
- Anticiper les évolutions du cadre fiscal et adapter sa stratégie en conséquence (réinvestissement, transmission, donation, etc.).
- Maximiser les avantages fiscaux liés au report d’imposition,
- Éviter tout risque de redressement fiscal, notamment en cas d’oubli ou de non-respect des conditions,
Pourquoi faire appel à un professionnel pour optimiser votre montage ?
Le report d’imposition prévu par l’article 150-0 B ter du CGI est un dispositif fiscal puissant permettant aux chefs d’entreprise et investisseurs de restructurer leur patrimoine professionnel sans supporter immédiatement l’impôt sur la plus-value. Toutefois, pour maximiser ses avantages, ce mécanisme impose une gestion rigoureuse, des obligations déclaratives strictes et une stratégie patrimoniale bien pensée afin d’éviter les risques fiscaux.
Chez Ateis Patrimoine, nous vous accompagnons dans la mise en place et le suivi de votre montage patrimonial pour :
? Structurer votre apport de titres dans une holding de manière optimale, en respectant toutes les conditions nécessaires pour bénéficier du report d’imposition.
? Éviter les pièges fiscaux liés aux événements mettant fin au report (vente des titres, soulte mal calibrée, non-respect des délais, etc.).
? Optimiser la gestion de votre holding pour garantir la pérennité de votre report d’imposition et envisager une exonération définitive lorsque c’est possible (via donation ou conservation des titres).
? Anticiper vos obligations déclaratives en assurant un suivi fiscal et administratif précis afin de minimiser les risques de redressement fiscal.
? Adapter votre stratégie patrimoniale en fonction de l’évolution de votre situation et des opportunités d’investissement (réinvestissement des liquidités, capital-risque, transmission d’entreprise).
Faire appel à Ateis Patrimoine, c’est s’assurer une expertise fiable et sur-mesure pour sécuriser votre montage fiscal et patrimonial tout en bénéficiant des meilleurs leviers d’optimisation. Nous mettons à votre disposition notre savoir-faire pour vous aider à transformer vos plus-values en opportunités de croissance, sans subir une imposition immédiate pénalisante.